12 mai 2008

Une "nouvelle sociologie chinoise" qui passe à côté de la ville


Laurence Roulleau-Berger, directrice de recherche au CNRS, vient de faire paraître un ouvrage sur la "nouvelle sociologie chinoise" réalisé en collaboration avec quelques prestigieux sociologues chinois ; "un travail considérable", tient à nous faire savoir Mme. Roulleau-Berger. Cet opus, assez volumineux, propose en introduction une mise en perspective de la discipline sociologique en Chine suivie par plusieurs articles traduits du chinois et regroupés en quatre parties : "société de marché et transition sociale", "urbanisation, inégalités et mobilisations collectives", "état, gouvernance et société", "modes de production de la connaissance sociologique en Chine".

On appréciera l'exercice : donner à comprendre comment les sociologues chinois pensent et analysent les bouleversements sociaux de la Chine d'aujourd'hui ; une espèce de construction "de l'intérieur" qui vient compléter les regards des sociologues et observateurs de la Chine non-Chinois ou hors de Chine dont le travail a cherché à combler une sociologie chinoise jusqu'à présente muette ou inaudible. Une certitude : la connaissance de la Chine ne cesse de s'enrichir par multiplication des points de vue, des canaux d'information et, comme rappelé par cet ouvrage, une évolution qualitative du travail de la sociologie chinoise.

Pour ceux qui s'intéressent à la Chine urbaine, l'ouvrage montre que la sociologie chinoise reste attachée à une tradition ruraliste - qui remonte peut-être à l'héritage du sociologue chinois Fei Xiaotong et certainement aussi à l'influence du régime maoïste. En particulier, dans la partie 2 sur "urbanisation, inégalités et mobilisations collectives", on notera que les trois articles sélectionnés abordent la ville par la campagne en cherchant à analyser l'impact de l'urbanisation sur la vie villageoise ainsi que sur l'intégration des paysans à la ville et à l'économie moderne. Cette approche a pour intérêt de montrer que la ville est avant tout la résultante d'un processus multidimensionnel : l'urbanisation. On sait que l'urbanisation est une réalité structurante en Chine (la société chinoise au début des années 1980 n'était qu'urbanisée qu'à 20%). Au final : l'impression que la ville ne serait pas encore un objet sociologique à part entière. Pourtant, la ville est une réalité historique en Chine et, sans remonter à l'Empire, elle existait bel et bien sous Mao. Pourquoi alors éluder la construction du social en ville ? Pourquoi ne pas spatialiser les grands changements structurels sur lequel insistent les auteurs de l'ouvrage qui utilisent l'expression de "sociologie de la transition" : la structuration des groupes sociaux, les nouvelles formes de mobilité sociale, les normes et les valeurs, etc.

Les recherches en sciences sociales sur la ville existent bel et bien en Chine qu'il s'agisse de la réflexion sur la disparition du patrimoine urbain, l'usage croissant des nouvelles technologies, la mobilité résidentielle et professionnelle, la gouvernance urbaine, etc. Autant de points de vue qui ont trouvé à s'exprimer dans le monde des études chinoises essentiellement anglo-saxonnes (on se souvient entre autres du travail de collecte et de mise en perspective de l'américaine Deborah Davis dans les années 1990). Aussi, peut-on penser que s'il existe une nouvelle sociologie chinoise - celle qui renaît au sortir du maoïsme à la fin des années 1970 - elle est encore en plein ébullition et l'un de ses avatars (une nouvelle "nouvelle sociologie chinoise" ?) viendra certainement combler un jour nos attentes sur les apports de la Chine à la sociologie urbaine.

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Disparition du South Gate Space à Dashanzi


Dashanzi est l'un des espaces de création artistique les plus dynamiques à Pékin ; appelé également usine 798, du nom des anciennes usines qui y étaint implantées, cet espace confirme sans cesse son rôle dans l'enrichissement de la vie culturelle de Pékin. Régulièrement des menaces de destruction viennent assombrir l'enthousiasme de leurs occupants ; sans conséquence jusqu'à présent...Pourtant, il semblerait que la pression foncière commence à se faire sentir : le théatre qu'animait Bérénice Angremy de Thinking Hands vient d'être détruit sur décision du propriétaire des lieux qui souhaite construire des immeubles. Décidément, il faudra décider à vivre avec le caractère éphémère des lieux dans le Pékin d'aujourd'hui...

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