08 avril 2010

"Nostalgia", documentaire de Shu Haolun sur la disparition du vieux Shanghai

La projection de Nostalgia, le documentaire du cinéaste Shu Haolun, au cinéma des Ursulines lundi 12 avril à 20h30 dans le cadre du Cycle Shadows sera l'occasion de revenir sur les bouleversements urbains dans la Chine d'aujourd'hui. Dans son film, emprunt de nostalgie, Shu revient sur les lieux de son enfance dans une shikumen du centre de Shanghai qu'un promoteur hongkongais s'apprête à détruire. C'est bien évidemment l'occasion de remémorer des souvenirs croustillants riches de personnages hauts en couleurs mais c'est aussi une tribune que le cinéaste utilise pour interroger le bien fondé de choix urbanistiques qui sont bien entendu des choix de société. "Les gens vénèrent-t-ils vraiment les gratte-ciels ?", s'interroge-t-il incrédule. Aussi est-ce avec plaisir que le spectateur se laisse entraîner dans l'intimité d'un quartier dit traditionnel pour mieux prendre la mesure des profonds changements que la société urbaine chinoise doit subir aujourd'hui. Les questionnements semblent pourtant fondamentaux, voire existentialistes : est-ce que la modernité est souhaitable ou enviable ? les liens sociaux se diluent-ils dans les quartiers de tours ? la ville qui se construit fait-elle une place aux plus démunis ?

On comprend en effet le souci, dans ce documentaire qui date déjà de 2006, de témoigner, de capter les dernières images d'un monde qui bientôt n'existera plus, de dénoncer la brusquerie de choix et de décisions. On retrouve l'œuvre d'autres artistes chinois comme Ou Ning dans son Projet Dazhalan à Pékin. Cependant, on est poussé à prendre du recul et, à travers la comparaison, rappeler les destins français et européens de villes et de sociétés qui, plusieurs décennies en arrière, ont plongé dans cette modernité : les grands ensembles, l'individualisme, la solitude de la grande ville, les autoroutes urbaines, etc. Dans le cas chinois, se demander si la transformation, et son corollaire la destruction, est inévitable paraît dérisoire. L'interrogation surgit plutôt de l'après, l'après destruction, c'est à dire le projet de ville actuelle, le projet de société qui va avec. Sur ce point, on apprécie la référence de Shu Haolun au quartier de Xintiandi ; un exemple de quartier traditionnel du vieux Shanghai transformé en lieu branché pour l'élite shanghaienne, les expatriés et les touristes. Il y a bien un lien entre l'évolution de la ville et l'évolution de la société ; une forme de coévolution. Les espaces urbains bougent, se transforment, la notion de quartier vole en éclats au fur et à mesure que s'affirme l'échelle de la métropole, une métrique qui s'impose aujourd'hui à la ville chinoise et dont on se demande, à la suite de Shu, comment la dompter pour la mettre à l'échelle de l'homme...

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